Aujourd’hui aux Etats-Unis, du moins une chose est certaine : tout le monde est en train de loucher, avec un œil sur la guerre en Ukraine, et un autre sur les élections de mi-mandat, une échéance qui pour être relativement lointaine, puisqu’elle n’aura lieu qu’en novembre prochain, n’en est pas moins d’une actualité brûlante, et pas que d’hier. On peut même se demander laquelle de ces deux directions présente le plus d’intérêt pour les Américains, en dépit du fait que ce vers quoi elles tendent se situe sur deux plans rigoureusement différents. Qui y a-t-il de commun en effet entre d’une part, ce qui est une guerre étrangère, vis-à-vis de laquelle, qui plus est, les protagonistes américains observent la même attitude, et de l’autre une confrontation pacifique entre partis appartenant à un même pays ? A priori rien. Démocrates et républicains s’accordent en apparence tant sur la condamnation ferme de l’invasion russe que sur l’impératif d’apporter toute l’aide dont l’Ukraine a besoin pour que cette invasion débouche sur une défaite stratégique pour la Russie. Pourtant, il n’est pas du tout évident que si au lieu de Joe Biden, c’est son prédécesseur qui était au pouvoir, les Etats-Unis seraient aujourd’hui sur le même pied de guerre que celui qu’on leur voit depuis le 24 février dernier.
La première réaction de Donald Trump, dont tout indique qu’il reste le chef des républicains, n’a pas été pour condamner l’attaque russe, mais en quelque sorte pour s’en féliciter, arguant que lui toujours aux affaires elle ne se serait pas produite, qu’au cours de son mandat les Etats-Unis n’ont eu rien de bien grave à supporter de la part de Vladimir Poutine. Trump n’est pas allé certes jusqu’à dire qu’il comprenait ce dernier, une partie de ses électeurs étant violemment antirusses, mais il est clair que lui personnellement n’aurait pas traité le président russe de boucher. Si on prend en compte le fait qu’au bout d’une année et demie de présidence Biden, la polarisation politique aux Etats-Unis n’a rien perdu de sa virulence, on est fondé à se poser la question de savoir ce qui serait le plus dommageable pour l’un et l’autre camp américains : une victoire russe en Ukraine, ce qui équivaudrait à une défaite pour les Etats-Unis en même temps d’ailleurs que pour l’Otan, ou une défaite aux élections de mi-mandat. Il va de soi qu’ils répondraient l’un comme l’autre que le plus grave serait la victoire russe si cette question leur était posée directement. Mais eu égard à l’abîme qui les sépare, à l’hostilité tous azimuts qu’ils professent l’un à l’égard de l’autre, on peut douter de la sincérité de leur réponse. Démocrates et républicains peuvent survivre à une défaite en Ukraine, où leurs forces après tout ne sont pas en premières lignes, au contact de l’armée russe, il leur serait par contre difficile de se relever d’une défaite aux élections de novembre prochain. Dans le cas d’une victoire républicaine, le mandat de Biden est terminé. Dans le cas d’une victoire démocrate, qui donnerait aux démocrates le plein contrôle sur les deux chambres, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui, les républicains sont laminés, et le leadership de Trump parmi eux réduit à rien. On peut imaginer une victoire russe en Ukraine, mais des démocrates ou des républicains au pouvoir occupés à en réduire la portée, et même à la transformer en défaite. Mais une défaite aux élections de mi-mandat, quant à elle, n’est pas rattrapable, quelle qu’elle soit, démocrate ou républicaine.