La visite non annoncée de Joe Biden à Kiev, à la veille du premier anniversaire du 24 février, début de la guerre en Ukraine, a pu constituer une surprise pour beaucoup de monde, cela n’a pas été le cas pour les Russes qui avaient été mis au courant par Washington, et suffisamment à temps pour qu’ils s’y fassent et retirent du ciel ukrainien tout ce qui est à eux et est de nature à menacer l’avion du président américain lors de son passage. On pensait que Russes et Américains ne se parlaient plus, sinon de façon indirecte et à chaque fois pour s’invectiver, on a pu voir à cette occasion qu’on se trompait, qu’il leur arrive de s’appeler, tout particulièrement pour éviter des gestes inconsidérés. Les Russes ont révélé qu’ils savaient, ce que les Américains ont confirmé, en précisant toutefois que c’était là de leur part pure mesure de précaution, en aucun cas donc une reconnaissance de fait que le ciel ukrainien se trouvait déjà dans son entier sous le contrôle de l’ennemi. L’Ukraine n’est pas encore occupée par la Russie, il s’en faut. On ne peut en dire autant du ciel ukrainien, autrement le président américain n’aurait pas demandé aux Russes un sauf-conduit pour son avion. Aurait-il fait de même si au lieu de se rendre à Kiev par les airs, il avait emprunté la route, partant dans ce cas de Pologne ?
La question n’est peut-être pas oiseuse. Dmitri Medvedev, l’ancien chef d’Etat, et actuel vice-président du Conseil de sécurité russe, a fait remarquer non sans malignité que le président américain assurait l’Ukraine de son soutien indéfectible mais ne s’y rendait pas sans avertir préalablement la Russie, pour qu’elle ne fasse montre d’aucune opposition. A Kiev même, Joe Biden s’est comporté comme s’il était à la portée du feu de l’ennemi, sinon sous son contrôle direct. Tout ce qu’il y a fait, il l’a fait vite, en abrégé, comme s’il ne disposait que fort peu de temps. Sans doute l’Ukraine est-il un pays en guerre. Pour autant, le front n’était pas où il se trouvait, à Kiev, il s’en fallait même de beaucoup. Si Biden avait fait une incursion non pas seulement en zone de guerre, mais en territoire ennemi, on se demande ce qu’il aurait fait de différent. Si le but de cette virée était de montrer que l’Ukraine se tenait encore débout, qu’elle était de ce fait même promise à la victoire, et que tout cela elle le devait à l’appui illimité des Etats-Unis, il n’est pas certain que ce soit ce message qui en définitive est passé dans l’opinion américaine, le véritable public pour lequel le spectacle a été monté. On a vu un Biden entrer en catimini, et surtout, pressé de sortir de scène, de se mettre à l’abri, dans un lieu plus sûr. Il y a quelque temps que le président ukrainien était à Bruxelles. Parlant aux parlementaires européens, il les a apostrophés à un certain moment comme suit : Donnez-nous des armes pour vous défendre. On doit à la vérité de dire que cette citation n’est pas complète. Ce que Volodymyr Zelenski a en fait dit, c’est : Donnez-nous des armes pour nous défendre et vous défendre. On admettra que ce qui a été enlevé n’est pas le plus significatif. Le fait est que si ce sont les Américains et leurs alliés qui donnent des armes aux Ukrainiens, ce sont les Ukrainiens qui se battent à leur place à tous. Ce sont eux qui les défendent, notamment en acceptant de souffrir et de mourir à leur place. Si Kiev était défendu par des soldats américains et non par pas des soldats ukrainiens, gageons que Biden aurait été moins pressé de le quitter.