Hier, dans cette colonne, il était question de l’ambivalence de la situation prévalant pour l’heure en Libye, au lendemain immédiat de la réunion de Genève, qui a donné un nouvel exécutif transitoire à ce pays en crise depuis bientôt très exactement une décennie. On a pu y déceler des motifs d’espoir laissant entrevoir une sortie de crise avant que cette année ne s’achève. Mais aussi des sujets d’inquiétude car tout ce qui s’y passe ne va pas dans ce sens. A vrai dire, c’est plutôt ce qui devait arriver en conformité avec la nouvelle donne et qui cependant n’arrivait pas, qui posait problème, bien plus que des actes positifs s’y inscrivant en faux de façon indubitable. Logiquement, en effet, le gouvernement d’union nationale de Fayaz el-Serraj devait annoncer son départ dès le moment où un nouvel exécutif, comportant à la fois un gouvernement et un conseil présidentiel, a vu le jour, qui plus est sous les meilleurs auspices, ceux de la communauté internationale, à cet égard tout comme lui. Quelque chose, donc, aurait dû intervenir qui se fait encore attendre. Ici une précision s’impose : annoncer son départ, ce n’est pas nécessairement partir sur-le-champ. Un gouvernement du reste ne part pas avant d’échanger avec celui qui va le remplacer. Le GNA, s’il a félicité le nouvel exécutif de son élection ou de sa désignation, n’a toutefois pas fait savoir que son intention était bien de lui céder la place.
Or dans la situation qui est celle aujourd’hui de la Libye, d’un pays donc sous tutelle de l’ONU, le nouvel exécutif ne le cède en rien au précédent pour ce qui est de la légitimité. Or il se trouve que depuis avant-hier, ce ne sont plus les événements manquants qui assombrissent le tableau libyen mais quelque chose de tout à fait réel : la tentative d’assassinat survenue dans une banlieue de Tripoli à l’encontre de Fathi Bashagha, le ministre de l’Intérieur du gouvernement d’union nationale. On ne sait trop encore quel en est le motif, ni par conséquent l’instigateur ou le coupable. Ce qui vient le premier à l’esprit, c’est la participation de l’homme pris pour cible au processus onusien ayant débouché sur la formation du nouvel exécutif. Il a été candidat au poste de chef de gouvernement sur la même liste qu’Aguila Salah lors des élections tenues à Genève sous l’égide de l’ONU le début de ce mois. Son implication en même temps que celle du président du Parlement basé à Tobrouk n’a évidemment pas peu contribué à donner du crédit au processus onusien. Bashagha est de Misrata, la région d’où procède la milice la plus puissante de celles qui tiennent Tripoli. Cela fait de lui l’homme le plus puissant du GNA. Plus puissant en tout cas que le chef en titre de ce dernier, el-Serraj, qui avait semblé un temps pas si lointain tout près de s’effacer devant lui. Ce qui est sûr par contre, c’est que cette tentative de liquidation physique n’est pas pour démentir les déclarations faites par Stephanie Williams au cours de la réunion de Genève au journal britannique «The Guardian», dans lesquelles elle fustigeait les «kleptocrates» en poste et à l’œuvre tant à Tripoli qu’à Tobrouk, qui voudraient faire capoter le processus de sortie de crise piloté par la Manul, la mission onusienne pour la Libye. Il semble bien que ses craintes ne soient pas exagérées.