Après avoir abattu le supposé ballon espion chinois au-dessus de l’Atlantique, dont à ce jour ils n’ont pas fini de repêcher les débris, les Américains, comme pris d’une fièvre spéciale, celle de jeter bas tout ce qui vole au-dessus de leur tête sans y être préalablement autorisé, ont réservé un sort similaire à un objet volant non identifié, jusqu’à cette heure en tout cas un véritable ovni. Tout ce qu’ils en savent est négatif : ça n’est pas un avion, ça n’est pas un ballon, ça n’est pas aussi grand qu’un ballon, et surtout, ça n’est pas habité, en apparence tout au moins. Le F-22, le même avion de chasse envoyé sur le ballon chinois pour lui régler son compte, bien qu’il s’en soit approché d’assez près pour permettre à son pilote de s’apercevoir qu’il n’est pas habité, ne lui a cependant pas donné suffisamment de temps pour s’imprimer d’une image plus ou moins précise de la chose. Si, tout de même, ce détail : l’«objet», comme il a été décidé de l’appeler, a la taille d’une voiture, mais sans en avoir la forme. Il n’en a donc pas celle d’une soucoupe volante, comme on aurait pu croire. Tout ce que les Américains savent pour le moment, c’est qu’ils ont abattu quelque chose qui volait très haut dans le ciel de l’Alaska.
Ne sachant à quoi s’en tenir, ne trouvant aucune explication à sa présence, ils ont préféré prendre leurs précautions, c’est-à-dire éliminer par avance tout danger susceptible d’en découler à un moment ou à un autre. Ils ont agi de la même façon qu’avec le ballon chinois, en somme, mais pas dans le même esprit, ni pour les mêmes raisons. Avec le ballon, ils savaient à quoi ils avaient affaire. Ils savaient même d’où cela venait, qui en était l’envoyeur, et ce que cela était venu faire dans leur ciel, du moins le pensaient-ils. Ils ne l’ont pas abattu par crainte qu’il se mette à tirer dans leur direction, sur leurs bases militaires, sur leurs aéroports, à déverser par tombereaux entiers des bombes sur leurs villes. Eux-mêmes l’ont dit : il ne représentait nul danger sur quoi que ce soit leur appartenant ou faisant partie d’eux. S’il était là juste pour espionner, le moindre qu’il puisse faire d’ailleurs, c’est de glisser dans le ciel sans rien déranger, n’ayant pas réussi à passer totalement inaperçu. Les Américains se sont décidés à l’abattre pour que ni les Chinois ni quiconque qui serait tenté de faire comme eux ne s’imaginent qu’ils en sont incapables. Avec l’«objet», c’est différent, ils l’ont abattu par ignorance de ce qu’il était, par crainte donc qu’il se révèle bien plus dangereux qu’il n’en avait l’air. A croire qu’ils n’écartaient pas tout à fait la possibilité qu’il ne soit pas de ce monde, mais d’un autre, et que comme tel, il ne se mette à se comporter selon une logique qui n’est pas terrestre. Maintenant, rien n’interdit de penser qu’en fait Joe Biden, qui s’apprête à annoncer sa candidature, ait seulement pensé qu’un deuxième acte de fermeté ne serait pas de trop dans cette perspective. Il a montré, et par deux fois, que les Américains pouvaient compter sur lui quand c’est leur sécurité qui était en jeu. Il les défendrait contre les Chinois, à plus forte raison contre les Russes, contre les deux réunis, et même le cas échéant contre une attaque extraterrestre. Après tout, qui dit que l’«objet» n’était pas une sorte de ballon d’essai, envoyé on ne sait d’où par on ne sait qui pour tester la réactivité du président des Etats-Unis ?