En Ukraine les combats sous tous leurs formes, dont désormais les combats de rue, se concentrent pour l’heure autour de Bakhmout, une ville de Donetsk devenue un champ de ruines, mais que les Russes tiennent plus que jamais à prendre et les Ukrainiens à défendre. La guerre ne s’en poursuit pas moins dans le reste du pays, mais comme par intermittence, et presque toujours à coup de missiles tirés de loin derrière les lignes de front, de la part des Russes en particulier, qui ce faisant s’en prennent aux infrastructures énergétiques sur quasiment toute l’étendue de l’Ukraine. On se pose encore la question de savoir dans quel but précis ce ciblage systématique est-il entrepris. Est-ce seulement pour se venger sur la population civile de la perte de la ville de Kherson, sur la rive droite du Dniepr, comme n’arrêtent pas de le dire les Occidentaux, ou est-ce plutôt en préparation d’une grande offensive hivernale, comme tendraient à le croire les Ukrainiens ? Ces derniers ont toutefois du mal à convaincre sur ce point précis leurs alliés occidentaux, qui ont l’air de penser que les Ukrainiens cherchent surtout par là à obtenir d’eux le plus d’armes possible et de celles qui non seulement les protègeraient contre les bombardements des Russes mais leur donneraient pour la première fois l’avantage sur eux.
En attendant, tout indique que la bataille de Bakhmout est entrée dans sa phase finale, les combats arrivant dans ses faubourgs, et bientôt, peut-être même est-ce déjà fait, dans le centre-ville. Du côté russe, le fer de lance est tenu par le groupe Wagner, à la recherche de sa première victoire en Ukraine. Ce qui ne veut pas dire qu’il se mesure seul aux forces ukrainiennes, à celles qui sont sur place, vraisemblablement en train d’être débordées, comme celles qui sont envoyées en renfort. Voilà donc une ville dont les Européens notamment pensent qu’elle n’a pas de valeur stratégique particulière, à supposer d’ailleurs qu’elle en ait une, si petite soit-elle, mais que les Russes cependant se font un point d’honneur, à titre de compensation, mais également comme cadeau de Noël à s’offrir, de la prendre aux Ukrainiens, et ceux-ci de la garder pour eux-mêmes à n’importe quel prix. Quelle victoire est-ce là que s’emparer d’une ville complètement détruite, désertée depuis longtemps par ses habitants, se demande-t-on, dans une ville fantôme, dans une ville qui de ce fait même n’existe plus ? Jamais victoire ne ressemblera à ce point à la défaite. Les Russes se seront fait saigner à blanc pour pénétrer non pas dans une ville mais dans le vide, dans ce qui fut mais qui n’est plus. Les mêmes qui tiennent aujourd’hui ce discours le tenaient par le passé, quand la guerre cristallisait dans la bataille de Marioupol. La réalité est que Bakhmout est à la frontière de la partie de Donetsk déjà conquise par les Russes, et qu’il faut faire sauter le verrou qu’elle constitue pour aller plus avant dans ce qui échappe encore à leur contrôle du même oblast, déjà en entier rattaché à la Fédération de Russie. Reste l’autre opinion, celle de Kiev, selon laquelle les Russes ont l’intention de repartir dès cet hiver à l’offensive, sur une grande échelle qui plus est. Elle est à prendre au sérieux, la guerre devant se poursuivre du moment qu’aucune perspective de paix ne se profile à l’horizon.