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mercredi 31 mai 2023

Avant-hier à Téhéran : trois sommets à deux

Le sommet tripartite de Téhéran (Russie, Turquie, Iran) ayant maintenant pris fin, voit-on du moins plus clairement ce qui l’a motivé, une question parmi celles que l’on se posait ici hier. Est-ce un développement survenant dans la région qu’il faut examiner pour ainsi dire toutes affaires cessantes ? Un besoin de concertation à la veille de l’opération turque dans le nord de la Syrie, pour faire en sorte notamment qu’il n’y ait pas d’incidents à regretter par la suite entre forces aux dispositions amicales mais dotées de missions contradictoires ? Ou est-ce plutôt, comme semblent le croire les Occidentaux, une occasion offerte gracieusement ou gratuitement par les deux présidents turc et iranien à leur homologue russe de briser son isolement sur la scène internationale ? S’il faut à tout prix privilégier cette troisième possibilité, alors force est de reconnaître que cette occasion n’est pas la première du genre, puisqu’il est déjà arrivé à Vladimir Poutine de se déplacer à l’étranger depuis le début de l’«opération spéciale» en Ukraine, en février de cette année.

On espérait que le communiqué final, ou mieux encore la conférence de presse conjointe finale soit éclairante à cet égard. Rien de cela ne s’est produit, bien que ni communiqué ni conférences de presse n’aient manqué. Les trois présidents ne se sont pas présentés ensemble devant les journalistes pour répondre à leurs questions. Pour autant, aucun d’eux n’a fui les journalistes et leurs questions, au contraire tous trois ont tenu à les affronter, mais chacun en solo. Ce qui a l’air de dire qu’ils ne se sont pas vus juste pour faire étalage de leur entente, ce qui n’aurait pas été au goût de tout le monde. On se demande même si c’est effectivement la Syrie qui les a forcés à se voir, son cas n’occupant plus le devant de la scène depuis bien avant le début de la guerre en Ukraine. S’il y a eu néanmoins un accord de passé, alors il n’a pas été révélé. Des trois présidents en cause, c’est le président turc qui a priori a le plus intérêt non seulement à rencontrer les deux autres mais à les rencontrer en même temps. Il est le seul en effet à vouloir faire quelque chose en Syrie avec quoi les deux autres ont déjà dit qu’ils n’étaient pas d’accord : une offensive au nord de ce pays pour en chasser les groupes kurdes alliés entre autres des Etats-Unis. En principe, Iraniens et Russes, alliés de Damas, ne peuvent donner leur feu vert à une incursion, serait-elle celle des Turcs, en territoire syrien. Mais ce n’est pas leur approbation que Erdogan est venu leur demander, mais l’assurance implicite que leurs forces ne s’opposeront pas aux siennes, quelles que soient les condamnations verbales dont ils voudront bien se fendre le moment venu. Erdogan sait que ces deux-là ont trop d’intérêts avec lui pour ne pas lui faire une concession à la fois précise et limitée. Bien que la Turquie soit membre de l’Otan, elle ne s’est associée à aucune des sanctions prises par les Occidentaux contre la Russie. Il n’y a qu’un ami pour le faire. L’Iran, quant à lui, a besoin de la Turquie pour faire parvenir en grande quantité ses hydrocarbures aux pays européens, qui en ont tant besoin. Elle a continué à se fournir chez lui en dépit des sanctions américaines. Iran et Russie ont des désaccords avec elle. Mais ce qui les rapproche d’elle est beaucoup plus important. Ils la respectent parce qu’elle n’est pas une colonie volontaire américaine, à l’image de tant de pays européens. Entre pays réellement indépendants, il y a toujours moyen de s’entendre.
M. H.

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