Les événements s’accélèrent au Soudan, mais hélas pas dans le sens qu’on aurait voulu les voir prendre, celui de la négociation, de la recherche d’une solution pacifique à la crise, mais dans celui menant à l’installation de la violence sur le territoire et dans la durée. Les appels à l’arrêt des hostilités, à la trêve, ou mieux encore, au cessez-le-feu immédiat et sans conditions, tel qu’exigé par les Etats-Unis notamment, n’ayant pas été entendus par les protagonistes, les pays étrangers se sont persuadés que le mieux à faire au cours de cette deuxième semaine de ce qu’il faut bien appeler par son nom, la guerre au Soudan, c’était d’évacuer en urgence leurs diplomates et de fermer leurs ambassades. D’autres, au premier chef des pays arabes, semblent avoir préféré commencer par évacuer les centaines de leurs ressortissants, avant de s’occuper de leurs représentants officiels. D’autres encore ont décidé d’embarquer les uns et les autres en un seul voyage, comme par un excès de précaution, la situation ne se caractérisant pas encore par un débordement de violence, même s’il est possible que ce soit le cas dans la suite des événements.
Les Américains ont commencé par retirer de la scène leurs diplomates et leurs familles, à la différence des Saoudiens et des Jordaniens, et d’autres encore à ce qu’il semble, qui n’ont pas lésiné sur les moyens de transport, routiers puis maritimes, pour rapatrier tous leurs compatriotes se trouvant au Soudan, sans faire de distinction entre eux. Ces opérations d’exfiltration n’annoncent jamais rien de bon. Elles signifient que les étrangers, à plus forte raison si ce sont les étrangers proches qui les premiers s’y mettent, sont dès à présent convaincus que le conflit ne peut qu’empirer, que la sagesse commande de lui faire faux bond pendant qu’il en est encore temps. Or on en est qu’à la deuxième semaine. Certes des centaines de morts sont déjà à déplorer, des civils pour la plupart, mais les combats dont il est question aujourd’hui sont pour l’essentiel les mêmes que ceux des premières heures. Ils ont éclaté autour du palais présidentiel, de la télévision publique, de l’aéroport international, du quartier général des forces armées, de certaines bases appartenant à l’une ou l’autre faction, que ce soit dans Khartoum ou dans Omdourman, sur l’autre rive du Nil ; ils y sont toujours, bien que plus d’une fois l’un ou l’autre camp ait annoncé en avoir entièrement pris le contrôle. Il y a tout lieu de croire que c’est justement cette lenteur dans la décision qui a achevé de convaincre les étrangers que le conflit est de ceux qui s’éternisent, et qu’il fallait sans plus attendre en extraire ses gens. Quelques jours donc du spectacle qu’il offre ont permis d’avoir une meilleure idée de sa nature. Dans une guerre, disons classique, il y a des offensives et des contre-offensives, des combats en rase-campagne et des combats de rue, et bien d’autres choses encore. Il est rare cependant qu’une guerre, à moins d’être une guerre civile, commence par des combats de rue, qui en règle générale arrivent à la fin des batailles. Au Soudan, le combat de rue est déjà la règle. Il est même le seul qui soit possible, bien qu’on ne puisse pas encore dire qu’on est en présence d’une guerre civile. En l’espèce, il ne s’agit pas tant d’affrontements se déroulant dans un milieu urbain que de guerre dont il est à craindre qu’elle se fasse de bout en bout au milieu des populations, devrait-elle s’étendre à d’autres régions du pays.