Il y a encore une dizaine d’années, la Chine était traitée avec tous les égards par les États-Unis, qui veillait minutieusement à ne pas irriter Pékin. Mais tout à commencer à changer lors du second mandat de Barack Obama. Donald Trump, lui, comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, a anéanti des décennies de diplomatie durant son mandat en attaquant sans réserve le régime communiste. L’administration Biden, elle, plutôt que de faire marche arrière, continue sur la ligne tracée par le président républicain et n’hésite pas à provoquer frontalement les Chinois. La situation entre les deux pays continue à se tendre, alors que Pékin a menacé les États-Unis de «contre-mesures» hier au soir, après que Washington a annoncé une nouvelle vente d’armes, pour 1,1 milliard de dollars, à Taïwan. La Chine, qui considère l’île comme une partie de son territoire, a immédiatement demandé aux États-Unis d’y renoncer. Cette nouvelle vente d’armes intervient un mois après une visite à Taïwan de la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, qui avait déjà provoqué la fureur de Pékin. La Chine avait alors lancé les plus importantes manœuvres militaires de son histoire autour de l’île. Le gouvernement américain a approuvé la vente à Taïpei pour 355 millions de dollars. Ces transactions «servent les intérêts économiques et de sécurité nationale des États-Unis en soutenant les efforts de Taïwan de moderniser ses forces armées», a souligné la diplomatie américaine via un porte-parole. Il s’agit de la plus grosse vente d’armes américaines pour Taïwan depuis l’arrivée à la présidence de Joe Biden, en janvier 2021. Cette annonce intervient un jour après que les forces taïwanaises ont abattu un drone commercial non identifié, dans le cadre d’une série soudaine d’incursions qui ont semé la confusion sur l’île après la précédente démonstration de force de Pékin, qui a déclaré avoir tiré des missiles balistiques au-dessus de la capitale Taïpei. Pékin a aussitôt exigé que Washington renonce à ces transactions, s’y déclarant «fermement opposée», par la voix du porte-parole de l’ambassade de Chine à Washington, Liu Pengyu. Avant la visite controversée à Taïwan de Nancy Pelosi, numéro trois des États-Unis et plus haute responsable américaine à se rendre sur l’île depuis des décennies, l’entourage de Joe Biden avait discrètement fait valoir à la Chine qu’elle ne représentait pas la politique de l’administration, le Congrès étant un pouvoir distinct du gouvernement. Le feu vert à la vente d’armes, en revanche, provient clairement de l’administration Biden, même si elle est dans le droit fil de la politique appliquée depuis 1979, lorsque Washington a reconnu Pékin tout en acceptant de maintenir la capacité d’autodéfense de Taïwan. Lors d’un voyage à Tokyo en mai, Joe Biden a semblé rompre avec des décennies de politique américaine en déclarant que les États-Unis défendraient directement Taïwan en cas d’attaque, mais ses collaborateurs sont ensuite revenus sur ses propos pour maintenir le concept volontairement flou de l’«ambiguïté stratégique». Toutefois, la probabilité d’une guerre sino-américaine est assez faible, les deux puissances ayant toutes deux trop à y perdre. Par contre, la Chine fera son possible pour faire payer les autorités taiwanaises, probablement en prenant une série de mesures militaires, économiques et diplomatiques pour montrer sa force et sa détermination. Washington n’a ainsi pas grand-chose à perdre en provocant Pékin, Taipei étant celui qui risque de perdre le plus dans le bras de fer qui oppose les Américains aux Chinois. F. M.