Amitié

Finalement assez fidèle à lui-même, Recep Tayyip Erdogan s’est montré agressif cette semaine, à quinze jours d’une rencontre avec son homologue américain. Et s’il ne s’est pas laissé aller aux énormes excès de langage qu’il se permet avec les Européens, le président turc a prévenu mardi les États-Unis qu’ils risquaient de «perdre un ami précieux» en «acculant» la Turquie, à deux semaines d’une rencontre avec son homologue américain Joe Biden sur fond de tensions bilatérales. «Ceux qui acculent la République de Turquie perdront un ami précieux», a déclaré Erdogan dans un entretien avec la chaîne de télévision étatique turque TRT, en réponse à une question sur les relations entre Ankara et Washington. Cette mise en garde intervient avant la première rencontre entre Erdogan et Biden, prévue pour le 14 juin en marge d’un sommet de l’Otan à Bruxelles, visant à apaiser les relations entre la Turquie et les États-Unis. Fortement tendus depuis 2016, les rapports entre ces deux pays membres de l’Otan se sont encore dégradés depuis l’élection à la Maison-Blanche de Joe Biden, qui a succédé à Donald Trump avec lequel Erdogan avait noué des liens personnels. Ankara a notamment vivement réagi après la reconnaissance par Washington, en avril, du génocide des Arméniens par l’Empire ottoman pendant la Première Guerre mondiale. La Turquie, héritière de l’Empire ottoman, rejette le terme de génocide, évoquant une guerre civile en Anatolie, doublée d’une famine, dans laquelle 300 000 à 500 000 Arméniens et autant de Turcs ont trouvé la mort. «Quelle est la raison de nos tensions ? Le soi-disant génocide arménien», a déclaré mardi Erdogan. «Vous n’avez donc aucun autre problème à régler plutôt que de vous faire l’avocat de l’Arménie ?», a-t-il lancé. Le président turc a aussi listé plusieurs sujets qui empoisonnent depuis 2016 les relations entre Ankara et Washington, à commencer par le soutien américain à des milices kurdes en Syrie que la Turquie qualifie de «terroristes». «Si les États-Unis sont bien nos alliés, doivent-ils se ranger aux côtés des terroristes ou à nos côtés ? Malheureusement, ils continuent de soutenir les terroristes», a ainsi dit le président turc mardi. Au cours de son entretien avec Biden, Erdogan devrait toutefois s’efforcer de calmer les tensions. La semaine dernière, il avait ainsi estimé que leur rencontre permettrait d’ouvrir une «nouvelle ère» dans les relations entre Ankara et Washington. Erdogan, qui dirige la Turquie depuis 2003, a d’ailleurs souligné mardi qu’il était toujours parvenu à travailler avec l’hôte de la Maison-Blanche, «qu’il soit républicain ou démocrate». Reste à voir jusqu’où osera aller le président turc dans ses menaces contre les Américains, sachant que ces dernières années il n’a pas hésité à menacer et provoquer parfois très violemment les Européens, comme en Autriche et en Allemagne sur leur propre sol. Surtout, il sera intéressant de voir combien d’«avertissements» d’Erdogan les Américains accepteront et quelles répercussions cela aura dans les relations entre Washington et Ankara.