Si les talibans continuent de plaider auprès des instances internationales pour recevoir des aides financières alors que leur pays s’enfonce toujours plus dans la misère la plus crasse, ils continuent aussi à commettre des actes de barbaries qui choquent les Occidentaux les plus conciliants. Les autorités afghanes ont en effet «battu et arrêté» un enseignant qui avait dénoncé à la télévision l’interdiction d’étudier à l’université imposée aux femmes par les talibans, a-t-on appris ce week-end auprès de son assistant. Ces derniers jours, les chaînes de télévision locales avaient montré Ismail Mashal, qui a aussi démissionné de trois universités privées de Kaboul, poussant un chariot rempli de livres dans les rues de la capitale et les offrant aux passants. Ismail Mashal a «été battu sans pitié et emmené de manière très irrespectueuse par des membres de l’Émirat islamique» (nom officiel du régime taliban), a déclaré ce vendredi son assistant, Farid Ahmad Fazli. Un responsable taliban a confirmé l’arrestation. «Le professeur Mashal s’est livré depuis quelque temps à des actes provocateurs contre le système», a twitté Abdul Haq Hammad, directeur au ministère de l’Information et de la Culture. «Les services de sécurité l’ont emmené pour une enquête», a-t-il ajouté. L’enseignant a été arrêté jeudi 2 février sans avoir «commis aucun crime», a estimé Farid Ahmad Fazli. «Il donnait des
livres gratuitement aux sœurs (femmes) et hommes», a-t-il observé. «Il est toujours détenu et nous ne savons pas où», a-t-il souligné. Les images de la colère de Ismail Mashal sur le plateau de télévision et de son geste consistant à déchirer ses diplômes étaient rapidement devenues virales sur les réseaux sociaux. «En tant qu’homme et en tant qu’enseignant, je n’étais pas en mesure de faire autre chose pour elles, et je sentais que mes certificats étaient devenus inutiles. Alors, je les ai déchirés», avait-il expliqué à l’époque. «J’élève la voix. Je suis debout avec mes sœurs (étudiantes). Ma protestation continuera même si cela me coûte la vie», avait-il poursuivi. Dans la société profondément conservatrice et patriarcale de l’Afghanistan, il est rare de voir un homme protester en faveur des femmes, mais le professeur avait assuré qu’il poursuivrait sa campagne en faveur de leurs droits. Après les avoir d’abord bannies des écoles secondaires, les talibans ont interdit en décembre dernier aux femmes d’accéder à l’enseignement universitaire car, selon eux, elles ne respectaient pas un code vestimentaire islamique strict consistant en Afghanistan à se couvrir le visage et le corps entièrement. Quelques jours plus tard, ils ont ordonné aux ONG afghanes et internationales de ne plus travailler avec des femmes afghanes, même si des exemptions pour le secteur de la Santé ont depuis été accordées. Les femmes ont aussi été exclues de la plupart des emplois dans la Fonction publique ou reçoivent un salaire de misère contre l’obligation de rester à la maison. Depuis novembre, elles n’ont également plus le droit de se rendre dans les parcs, les gymnases et les bains publics. Des restrictions toujours plus nombreuses, toujours plus pernicieuses, surtout après que les talibans aient promis en août 2021 que leur gouvernement serait «inclusif». Plusieurs médias et responsables politiques de gauche avaient alors en Occident pris ces paroles pour argent comptant et semblent aujourd’hui surpris que les fondamentalistes islamistes ne tiennent pas leurs promesses. Reste à voir si le désespoir poussera les talibans à plus de souplesse à l’avenir pour obtenir de l’aide internationale, ou s’ils sont décidés à garder leurs positions mortifères jusqu’à l’anéantissement de leur pays et population.