Abdelmadjid Tebboune, président de la République, a accordé une interview exclusive au quotidien français «L’Opinion», dans laquelle il est revenu sur plusieurs points qui animent la scène nationale et internationale.
Par Meriem Benchaouia
Il a évoqué notamment la révision constitutionnelle, le Hirak, les arrestations de militants politiques et de journalistes, la jeunesse algérienne, les relations avec la France et la situation en Libye et au Mali. Interrogé sur la place de la jeunesse dans la vie politique et économique, le Président a affirmé que «l’Etat va aider les jeune à émerger en tant que force politique et économique». «Samedi, j’ai commencé à concrétiser ce changement afin de créer une nouvelle génération d’entrepreneurs, de permettre aux jeunes de s’émanciper économiquement, de ne pas être obligés de montrer patte blanche à tel ou tel oligarque», a-t-il assuré. Faisant référence au lancement du Fonds de financement des start-up et de ses engagements au profit des porteurs de projets, il a indiqué que «les start-up algériennes deviennent une réalité». Sur le plan politique, le chef de l’Etat a assuré «s’être engagé» à introduire le maximum de jeunes au niveau des instances élues, y compris au sein de l’Assemblée nationale. «Ils seront là pour représenter le peuple de manière plus moderne… Les jeunes sont restés honnêtes, propres et n’ont pas répondu aux sirènes des oligarques (…) A ce titre, ils méritent de gérer le pays avec l’aide et les conseils de leurs aînés», a-t-il déclaré. Et d’ajouter : «J’espère avoir une majorité de jeunes aux Assemblées nationales, régionales, au niveau des wilayas et des municipalités. Si les partis présentent des jeunes, c’est une excellente chose. La société civile peut aussi présenter des jeunes : enseignants, magistrats, avocats, universitaires. Nous sortons 250 000 universitaires par an».
«Le Hirak a mis fin à la comédie du cinquième mandat»
S’exprimant sur le Hirak, plus grande manifestation populaire de l’histoire de l’Algérie indépendante ainsi que sur le cinquième mandat de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, le Président Tebboune a déclaré que «le 22 février 2019, pratiquement toute le population, sinon l’extrême majorité, est sortie dans le rue pour exprimer son ras-le-bol». Selon lui, «le hirak ‘’béni’’ a mis fin à cette comédie». Il a souligné, dans ce sens, que «protégé par l’armée et les services de sécurité, ce mouvement populaire et civilisé s’est exprimé de façon très politique et très pacifique». Le plus difficile, explique-t-il, était de «regagner la confiance de ce peuple désabusé par des années de gestion folklorique qui tenait de la République bananière». Le Président a ajouté que des changements ont été opérés «dans tous les corps de l’Etat». Sur la révision constitutionnelle, le Président a rappelé que la «Constitution est un document sacré», affirmant que «plus personne ne pourra toucher la Constitution pour [réaliser] un troisième mandat». Il a souligné «les conséquences de ces prolongements successifs de mandats présidentiels» via des révisions constitutionnelles.
«Pas de répression mais de la protection de l’ordre public»
Répondant à une question sur les critiques des ONG sur la répression et la détérioration de la liberté d’expression en Algérie, il a affirmé : «Il n’y aurait pas de répression mais de la protection de l’ordre public (…). Les arrestations ne sont pas faites sur la base des idées, des slogans ou le fait d’être opposant… Aucun journaliste n’a été arrêté pour le fait d’être journaliste (…) Seulement, le fait d’être journaliste ne donne aucune immunité concernant l’atteinte à l’ordre public». «Une République qui cherche à entamer une vraie démocratisation de la vie publique tient compte de l’avis de la majorité tout en respectant les avis minoritaires. Il y a des ONG qui sont stigmatisées pour leur accointance, leur manière de voir les choses, leur négativisme. D’autres sont très respectables et nous comptons sur leur avis», a-t-il expliqué.
«Le seul moyen de reconstruire la Libye, c’est d’organiser des élections»
Concernant la crise libyenne, le Président a estimé que celle-ci «se traduit par un Etat en dehors de ses limites territoriales où il n’y a pratiquement plus d’institutions, dans un pays sans réel héritage institutionnel avant la révolution». «Pour reconstruire la Libye, il faut commencer par bâtir la légitimité populaire. Il faut donc organiser des élections, quitte à le faire d’abord région par région», a-t-il préconisé. «Ensuite, dit-il, la démarche consistera à reconstruire toutes les institutions : Assemblée nationale, élection d’un Premier ministre, peut-être même d’un président de la République».
M. B.