Premier maillon dans la chaîne de production des hydrocarbures, l’Enageo (Entreprise Nationale de Géophysique), filiale du Groupe Sonatrach tente de s’adapter et tracer son avenir, en dépit de la crise économique générée par la pandémie du covid-19. Son PDG, Abdelkader Cherfaoui nous détaille sa feuille de route.
Par Entretien réalisé par Mourad Hadjersi
Le Jour d’Algérie : Peut-on connaître le métier de l’Enageo dans le processus de production des hydrocarbures ?
Abdelkader Cherfaoui : Dans le processus de chaîne de valeurs de Sonatrach, il y a la recherche des hydrocarbures, leur développement, leur production, leur transport enfin leur commercialisation ; l’Enageo fait partie du premier maillon du EP (Exploration – Production). Il faut savoir qu’en Algérie, il y a des domaines miniers ou des domaines sédimentaires qui peuvent contenir des hydrocarbures, et pour chercher ces hydrocarbures, il faut des méthodes pour les trouver, entre autres, la géologie ou des méthodes de géophysique. Dans ces dernières, il y a l’acquisition sismique qui fait la carte topographique de surface et d’autres méthodes potentielles qui sont intégrées dans nos méthodes de recherche pour rechercher les hydrocarbures. En fait, on recherche des anomalies géologiques qui peuvent contenir des hydrocarbures. Et c’est dans la géophysique qu’intervient l’Enageo. Quand il y a possibilité d’avoir des hydrocarbures dans un domaine minier, L’Enageo fait la reconnaissance 2D (deux dimensions ). Après ces études de reconnaissance, le travail sera vers le détail, et c’est là qu’on trouve les anomalies géologiques. Le rôle de l’Enageo est de fait, la réalisation de cartographie souterraine de notre sol et elle interprète toutes les données, elle scanne le sous-sol avant le passage au forage et l’exploitation.
Quelle a été l’impact de la double crise économique et pandémique sur les performances de l’entreprise ?
A. Cherfaoui : Etant donné que l’Enageo fait partie du Groupe de Sonatrach, donc la pandémie a impacté tout le monde, ce qui nous a poussé à fournir un double effort, en premier lieu, les filiales sont là pour assister la société-mère, donc sachant que le budget de Sonatrach a été réduit, automatiquement cela s’est répercuté sur ses filiales. Pour notre part, nous avons fait un effort supplémentaire envers Sonatrach, et ça ne fait plaisir, en réduisant nos coûts de production, et c’était un challenge pour uniquement permettre à Sonatrach de réaliser une partie de ses investissements et de ne pas être pénalisée dans ses programmes. Donc, notre plan de charge a été diminué, et il faut savoir qu’à l’avenir cela sera une exigence de réduire les coûts pour survivre et demeurer performant. Quant à la pandémie, il y a eu un impact direct et un autre indirect. Nous étions obligés d’appliquer un protocole strict et rigoureux, du fait qu’on ne peut pas se permettre la fermeture d’un chantier. Au début, nous étions obligés de confiner notre personnel durant deux semaines avant qu’ils ne rejoignent leur chantier au Sud, et même ceux qui terminent leur séjour sur chantier étaient obligés de rester retenus sur place, avec les indemnités qui en découlent, un autre impact financier qui vient s’ajouter au poids de la crise. Et même le confinement, dans sa globalité, a un coût financier, puisque nous étions même obligés de louer des infrastructures externes pour confiner notre personnel.
Partant du constat de cette année difficile, comment voyez-vous les perspectives ?
A. Cherfaoui : En fait, la pandémie a eu des effets économiques négatifs sur tout le monde, sur le plan de charge et par ricochet sur le chiffre d’affaires, mais sincèrement, cette crise sanitaire nous a appris à travailler différemment et développer d’autres façons de faire. Par exemple pour notre personnel du Nord, nous avons remarqué que beaucoup de femmes ne pouvaient pas venir travailler mais heureusement nous avons développé le télétravail, donc ce sont des choses qui existaient ailleurs mais la pandémie nous a poussés à les adopter et tant mieux parce que nous allons l’adopter, dans certaines mesures, même après la disparition de la crise sanitaire. Dans le processing, par exemple, le travail exige une production continue sur les vingt quatre heures, alors le télétravail va nous permettre, en fait, d’augmenter notre productivité.
En dépit de la crise, nous avons une certaine visibilité au niveau de l’Enageo en termes économiques avec notre partenaire Sonatrach qui est en train de travailler dans cette perspective, notamment dans le cadre des partenariats avec les sociétés étrangères et aussi dans le cas où notre Groupement s’oriente vers l’international, nous allons l’accompagner sans aucun doute.
L’Enageo s’est-elle adaptée aux exigences technologiques que lui imposent ses challenges ?
A. Cherfaoui : Contrairement aux autres activités dans le secteur, où l’appareillage et les équipements de travail peuvent être utilisables pour vingt à trente ans, seulement dans notre domaine, la technologie évolue d’une manière vertigineuse, c’est chaque trois ans, pratiquement, nous avons une nouvelle technologie, donc il faut que nous soyons toujours à jour. Nous sommes passés de la technique 2D vers une sismique de 3D, et dans les 3D nous sommes passés des techniques conventionnelles (analogiques) aux laboratoires numériques, toute cette chaîne d’enregistrement digitale dont dispose Enageo actuellement, ce qui veut dire qu’il n’ y aura pas de perte d’information, de la source au laboratoire. En plus de cela, vu la complexité de notre domaine minier et les profondeurs qu’on sonde, il vous faut, outre l’expertise en termes de méthode, l’équipement technologique le plus avancé possible. Comme nous avons acquis les camions – vibrateurs dernière génération capables de générer même la basse fréquence qui nous permet de capter au profit de notre client le meilleur produit possible pour qu’il puisse faire une interprétation lui permettant de prendre les décisions moins risquées.
L’ENAGEO, cet éclaireur des profondeurs
Placée en première ligne des missions stratégiques du groupe Sonatrach, la filiale ENAGEO (Entreprise nationale de Géophysique) est une source de réflexion et d’études qui fournit le premier souffle à toute la politique de l’exploration et du développement des hydrocarbures. Sans l’expertise, la recherche et un concentré d’ingénierie hautement déclinée, il est pratiquement impossible de connaitre le fond, le contenu, le niveau et la qualité des réserves souterraines, leur localisation ainsi que le meilleur mode de leur exploitation. Plus qu’un éclaireur, l’Enageo fait office de cet » œil » à portée aussi fiable que profonde qui guide l’action de Sonatrach dans sa quête d’exploration et d’exploitation.
À l’unité de Boumerdès, dédiée au traitement des données, c’est grâce à un haut niveau de technicité et de savoir faire technologique totalement algériens que la machine avance. Ici la ressource humaine est pleinement engagée dans un domaine où s’allient compétence et aptitude à l’analyse. Au milieu des équipes mobilisées, le jeune Chaib Oussama qui n’a pas encore accompli ses 27 ans s’est révélé néanmoins comme un acteur majeur au sein de l’entreprise. Ingénieur en géophysique (doctorant) il a rejoint le centre de traitement de Boumerdès il y a à peine 3 ans et demi et se dit fier de faire partie de l’aventure scientifique au service de l’optimisation des ressources énergétiques. D’emblée, Oussama nous explique que leur mission consiste » à mener à bien, voire optimiser les projets de caractérisation sismique du réservoir ». Il ajoute » le plus important chez nous c’est la capacité d’analyse de l’intervenant, c’est à dire de l’ingénieur après la collecte des données puisées sur le terrain. Il s’agit d’un travail d’équipe multidisciplinaire ». L’approche qui privilégie le système intégré afin de réunir tous les paramètres de lecture de données facilitera selon lui l’étape de traitement avant celle de l’interprétation. Le jeune ingénieur nous explique en fait le processus mis en place pour percer les secrets des sous-sols à des milliers de mètres de profondeurs. Et c’est là qu’intervient la phase de l’interprétation selon Oussama. « L’interprétation quantitative permet de connaitre à partir de l’analyse du squelette tout type de formation géologique pour détecter la roche réservoir et la différencier des autres. Cela permet de déterminer aussi le contenu en fluide d’un réservoir « . Au cœur de l’Enageo-Boumerdès, une salle des machines qui ressemble à une grande station informatique déclinant une série d’ordinateurs interconnectés suivant un schéma et un dialogue que seuls les initiés peuvent percer, donne déjà une idée sur la complexité de la mission et du niveau d’exigence afin de se mettre à l’assaut des profondeurs et des ressources pétrolières. C’est dans cette ambiance scientifique et de technologie qu’évoluent les jeunes ingénieurs de cette entreprise à l’image de Chaib Oussama. Cela conforte l’espoir d’un avenir plein d’énergie grâce à cette jeune ressource humaine.
Karim Alem