Si la réunion des 50 pays alliés de l’Ukraine, vendredi dernier sur la base américaine de Ramstein en Allemagne, s’est tenue comme prévu, en revanche elle ne s’est pas soldée par le résultat attendu par nombre d’observateurs et ardemment espéré par Kiev. Ainsi donc, les chars allemands Leopard 2, réclamés à cor et à cri par ce dernier, ne sont pas livrables pour l’heure, en dépit de la pression exercée en ce sens, notamment par la Pologne, la Finlande, les pays Baltes – finalement toujours les mêmes lorsqu’il s’agit de faire éclater son hostilité envers la Russie. La rencontre, qui plus est, n’a pas manqué d’enseignements. On savait que l’industrie allemande civile dominait en Europe, on ignorait qu’il en fût de même dans le domaine militaire. Voilà une lacune en moins pour le profane. La réunion n’avait pas été convoquée par les Américains pour décider quel(s) char(s) de combat et en quelle quantité il faudrait en fournir à l’Ukraine, à côté d’autres matériels lourds, sachant que la guerre allait sûrement changer de forme, mais pour entendre l’Allemagne s’exprimer sur le sujet.
En fait, répondre à cette question : est-elle oui ou non disposée à envoyer ses chars, ou sinon, à laisser ceux qui en ont en disposer à leur guise. Il semble que sa réponse, pour détournée qu’elle ait été, ait été non, le moment n’est pas arrivé. Ce qui ne ferme pas la porte devant un éventuel revirement. L’Allemagne ayant attendu la veille de la réunion de Ramstein pour changer de ministre de la Défense, on avait naturellement pensé que le dernier obstacle à cette livraison de Leopard venait d’être levé. On sait maintenant qu’il n’en était rien, que si Christine Lambrecht avait démissionné, ce ne devait pas être pour sa ferme opposition à ce projet. Les Américains qui eux non plus ne voulaient pas fournir leurs Abrams, l’équivalent du char de combat allemand, se sont si bien arrangés pour faire porter sur la seule Allemagne la responsabilité de l’échec de Ramstein, qu’on a vu un journaliste américain, lors de la conférence de presse finale, animée par le chef du Pentagone et son chef d’état-major, demander carrément au premier si l’Allemagne était un allié digne de confiance. Oui, a répondu d’un air imperturbable le secrétaire d’Etat, elle l’est, et d’énumérer ses bons et loyaux services depuis l’invasion de l’Ukraine. Les commentateurs américains et européens ne se gênent pas quant à eux pour rendre compte de son refus par sa crainte de franchir ce faisant une ligne rouge, s’attirant du même coup l’ire de la Russie. Or cette crainte est au moins aussi prononcée chez les Américains, qui depuis que les Allemands ont laissé entendre qu’ils enverraient leurs Leopard si eux les Américains prêchaient d’exemple en commençant par expédier leurs Abrams, se sont mis à trouver de grands défauts à cette arme de combat. Ils ne sont pas très précis, ils consomment trop de carburants, ils manquent de manœuvrabilité… D’ici à ce qu’ils reconnaissent que le Leopard est meilleur à tout point de vue, que d’ailleurs eux-mêmes envisagent sérieusement de s’en équiper, de mettre par conséquent au rebut l’Abrams, on a l’impression qu’il n’y a qu’un pas, et qu’ils le franchiront dès la prochaine réunion du groupe de contact, à Ramstein forcément.