S’il est un point sur lequel il y a eu à nouveau consensus entre les voisins de la Libye au cours de ces deux derniers jours de réunion à Alger, c’est bien sur la nécessité du départ des forces étrangères encore présentes en Libye. C’est que de ce départ dépend pour l’essentiel la tenue des élections de fin d’année, décidées par la communauté internationale dans le cadre du processus de Berlin, et qui sont censées tourner une page de l’histoire de la Libye pour en ouvrir une nouvelle. La sortie de crise de ce pays ne sera réalisée qu’au travers de ces élections, une présidentielle assortie de législatives tenues le même jour, le 24 décembre prochain. Or il n’est pas concevable qu’elles puissent se dérouler en présence de forces étrangères sans que leur crédibilité ne s’en trouve grandement compromise. Cette question est d’une telle d’importance pour la suite du processus de Berlin qu’on a l’impression que les voisins de la Libye se sont donné rendez-vous à Alger uniquement pour en faire désormais leur priorité commune. La représentante libyenne n’a pas manqué d’inscrire son intervention dans cette perspective, ne manquant pas de dire à cette occasion combien son gouvernement est impatient de voir ces forces étrangères, régulières et non régulières, quitter son pays au plus vite.
A priori une question faisant l’objet d’un consensus aussi large, au triple plan régional, continental et international, n’est pas bien difficile à résoudre. Elle serait même déjà résolue depuis le temps qu’elle se pose et qu’elle obtient de tous côtés le même traitement, la même réponse. S’il en est autrement, c’est parce qu’il y a un acteur, à savoir la Turquie, pour l’entendre différemment. Elle se garde bien de dire qu’elle s’inscrit en faux contre le processus de Berlin, qu’elle se refuse par principe à rappeler ses forces présentes en Libye, mais on ne la voit guère ne serait-ce que se préparer à les retirer. La Libye est depuis 2011 un pays sous protection internationale, toutefois sans mandat international accordé à une puissance particulière à cet effet. Cela explique qu’il ne soit pas attaqué, et que son intégrité territoriale soit respectée. Quand on parle de forces étrangères qui y sont présentes et qu’il faut faire partir pour que les élections puissent avoir lieu dans les meilleures conditions, en réalité on a en vue la seule présence militaire turque. S’il en existe d’autres, elles ne sont revendiquées par personne, qu’elles soient régulières ou non. De sorte que le problème représenté par ces forces est pour ainsi dire résolu si les autorités turques fassent seulement savoir que leur intention est bien de retirer leurs troupes suffisamment à temps pour ne perturber en rien le libre choix des Libyens. Non seulement elles n’en font rien, mais elles s’en vont répétant que le cas de leurs forces est différent, qu’elles sont en Libye en vertu d’un accord passé avec un gouvernement en son temps reconnu par la communauté internationale, celui dit d’union nationale que dirigeait Fayaz el-Serraj. Tout se passe comme si étant liées par un engagement, elles ne pourraient pas rappeler leurs soldats quand bien même elles le voudraient. Il faudrait pour cela commencer par les en délier, ce qui ne dépend pas d’elles mais de l’autre partie contractante, des Libyens. A Alger, ces dernières heures, on a entendu la ministre libyenne des Affaires étrangères exiger le départ des forces étrangères, en des termes semblables à ceux des autres participants sur le même sujet. On ne l’a pas entendue lancer un appel précis à la communauté internationale afin qu’elle oblige la Turquie à retirer ses forces de Libye.