Lorsque s’est produite le 9 septembre 2001 cette chose incroyable que furent les attentats planifiés à l’étranger mais exécutés sur le sol américain, une première dans l’histoire des Etats-Unis, en Algérie la victoire avait déjà été remportée sur le terrorisme, bien qu’il constituât encore la principale menace sur la sécurité du pays. On disait déjà de lui qu’il était résiduel. Ce qu’il reste jusqu’à aujourd’hui, soit dit en passant, quoique, naturellement, à une échelle beaucoup plus réduite qu’il y a vingt ans. Il avait été vaincu dans le pays militairement et politiquement, mais tout n’était pas encore perdu pour ses exploitants politiques, pas tous d’obédience islamiste, il s’en faut, au plan international. L’idée prévalait encore qu’il était une réaction non dépourvue de justification, si celle-ci était en soi peu recommandable, dont le dépassement néanmoins, pour cette raison même, n’était envisageable que sous forme d’un dialogue politique ouvert à toutes les forces politiques actives, dont bien sûr le parti dissous, le Fis. Dans le pays, c’était là en particulier la position constante des partisans de ce qu’on appelait alors le contrat ou la plateforme de Sant ‘Egidio. Les Européens en particulier, bien plus que les Américains, étaient de cet avis. On peut donc dire qu’en septembre 2001, l’Algérie non seulement n’en avait pas encore fini avec le terrorisme, sur lequel elle avait déjà pourtant pris le dessus, mais se trouvait encore sous la menace d’un diktat, européen notamment, dont la conséquence première aurait été de transformer sa défaite en une victoire politique éclatante.
C’est le 11 Septembre qui a écarté définitivement cette menace. C’est indéniablement lui qui a brisé l’isolement de l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme islamiste. Sans lui, les Européens, sous l’instigation de la France, auraient probablement continué à exiger le retour à l’avant-11 janvier 1992, d’une certaine façon à l’entre-deux-tours des législatives interrompues, largement remportées par le Fis. Leur pression constante en ce sens était destinée moins à rétablir celui-ci dans sa victoire électorale spoliée qu’à placer l’Algérie sous leur tutelle. Bien entendu, les Algériens dans leur grande majorité récusaient une solution de cette nature. Ils la voulaient d’autant moins qu’ils avaient vaincu le terrorisme, ne reculant pour cela devant aucun sacrifice. Le 11 Septembre, le 9/11 comme disent les Américains, a fait de la guerre contre le terrorisme la priorité des priorités à l’échelle globale. Il a obligé ces mêmes puissances qui faisaient pression sur l’Algérie, soi-disant au nom de la démocratie et des droits de l’homme, en réalité sous l’impulsion de convoitises impérialistes ordinaires, à lâcher prise. Mieux, à s’aligner sur l’impératif de la lutte antiterroriste, qui justement était le sien. Depuis, plus personne ne s’est adressé à elle sur le même ton. Le spectre du droit d’ingérence brandi à son encontre pendant une décennie s’est brusquement dissipé. La guerre contre le terrorisme, en devenant sous la férule des Etats-Unis, le mot d’ordre principal, l’a rendu du jour au lendemain caduc. Ce n’était là en rien l’objectif des auteurs des attentats terroristes du 11 septembre 2001. Ce qu’ils voulaient pour leur part, c’était montrer que l’Amérique n’était pas invincible, qu’il était possible de la frapper au cœur, de porter la guerre chez elle. Ils étaient à mille lieux de s’imaginer qu’ils allaient ce faisant rendre mondial un combat que jusque-là l’Algérie avait mené seule.