Demain 20 janvier, bien des regards seront tournés vers les marches du Capitole à Washington, d’une part pour voir la prestation de serment de Joe Biden, le nouveau président des Etats-Unis, mais aussi pour ne rien perdre des troubles qui pourraient éclater aux alentours, encore que cette éventualité soit tout à fait improbable. Il y a deux jours, les partisans de Donald Trump n’ont cherché à prendre d’assaut nul autre Capitole à travers les Etats-Unis, comme le FBI, qui, on dirait pour faire oublier son peu de réactivité avant et pendant l’insurrection du 6 janvier, l’avait laissé craindre. Il y en a bien eu ici ou là des poignées de nervis lourdement armés pour faire de furtives apparitions, et encore, à bonne distance des bâtiments publics. Mêmes ces scènes pourraient ne pas se reproduire le jour de l’intronisation du successeur de Donald Trump, qui alors sera déjà dans sa fastueuse résidence et Q.G de Floride. S’il y a une insurrection à lancer et à conduire, c’est de là que partiront les instructions. Les choses n’arrivent en général que si l’on ne s’y attend pas. Un événement annoncé ne se produit jamais, à moins que tout le monde y conspire, une condition bien difficile à réaliser, on en conviendra.
Mais quid d’un événement qui sans être proprement annoncé s’est néanmoins suffisamment développé avant l’heure H pour qu’il n’ait besoin pour éclater que d’une chiquenaude lorsque celle-ci arrive ? Le 6 janvier, il y avait deux regroupements simultanés : le premier celui des membres du Congrès au sein du Capitole, et deux kilomètres plus loin, celui des partisans du président sortant venus se faire haranguer par lui, c’est-à-dire se faire gonfler à bloc, lors d’une manifestation au mot d’ordre combien suggestif de la suite de «Marche pour sauver l’Amérique». Pour le moins, la prudence la plus élémentaire commandait de considérer comme possible que les deux rassemblements tendent à n’en faire qu’un, ce qui ne peut se faire qu’à l’initiative des membres du second, et par conséquent de prendre ses dispositions pour que le choc ou la fusion ne se produise pas. Rien de tout cela n’a alerté le FBI, la première, la plus prestigieuse des polices du monde. Réputée la plus efficace, la plus perspicace, la mieux faite et la plus intelligente de toutes. Le plus célèbre des sigles avec celui de CIA. La police dont les exploits supposés sont célébrés quotidiennement dans des feuilletons diffusés dans le monde entier. Eh bien, ce même FBI n’a pas vu venir ce qui se préparait à ciel ouvert depuis plusieurs jours dans toute l’Amérique. Ce qui le jour prescrit pour son avènement n’a pas éclaté comme un coup de tonnerre dans un ciel serein, mais comme un grondement plus fort au milieu d’une tempête qui en comportait plusieurs. Cela aurait été le premier acte d’un drame qui eût été en même temps son point culminant, on aurait compris que le FBI ait été pris au dépourvu. Or rarement un événement aura marché vers sa réalisation de façon aussi franche, aussi déclarée, dans un crescendo aussi régulier. En l’occurrence, il ne s’agissait pas de prévoir mais seulement de voir. Il fallait être soit aveugle, soit attentif à porter son regard ailleurs pour ne rien voir venir. Il n’est question depuis dans les médias américains que de faire le procès, de Trump bien sûr, mais aussi de ses fidèles, mais personne ne songe à demander des comptes au FBI, qui pourtant s’est comporté le 6 janvier de la façon la plus étrange qui soit.