Ce rapprochement qui dérange les calculs d’Israël et du Maroc
Le rapprochement entre l’Arabie saoudite et l’Iran, qui donne l’impression d’aller bon train, comme s’il s’orientait résolument vers quelque chose de plus qu’une simple reprise de relations jusque-là rompues, a été salué par tous les pays de la région, ou quasiment, mais aussi au-delà, y compris par les Etats-Unis, qui du moins n’ont pas fait semblant de regarder ailleurs au moment où à Pékin il se concrétisait par des accolades et une paraphe au bas d’un document. Bien sûr il est de bon ton de se féliciter de ce que deux pays entretenant depuis quelque temps de mauvaises relations, et des conflits dans leur voisinage, décident de les améliorer, où qu’ils se trouvent dans le monde, seraient-ils très éloignés géographiquement. Car cela veut dire que ces conflits, conséquences en premier lieu de leur mésentente, sont désormais bien partis pour se régler. On pense en premier lieu à la guerre au Yémen, dont tout le monde sait qu’elle est en fait une guerre par procuration entre les deux pays. Même une reprise minimale des relations entre eux devrait non seulement la faire cesser dans les meilleurs délais, mais lui enlever jusqu’à la possibilité de reprendre un jour.
On pense en deuxième lieu au désastre économique et politique régnant pour l’heure au Liban, qui se traduit par un appauvrissement sans précédent des Libanais, lequel sans doute n’épargnerait s’il était appelé à se poursuivre. Cette descente aux enfers devrait stopper maintenant que Saoudiens et Iraniens affichent leur bonne disposition les uns envers les autres. S’ils poussaient leur rapprochement jusqu’à le faire accoucher d’un traité d’amitié, ou mieux encore d’une alliance stratégique, peu de chance que ce soit les Libanais qui s’en plaignent les premiers. Si un accord intervenait entre les deux puissances régionales, il n’y aurait d’ailleurs pas que les Libanais pour s’en réjouir. Les Palestiniens, et par suite tous les peuples de la région, qui s’identifient à eux corps et âme, s’en féliciteraient non moins qu’eux. Dans la région, il n’existe en fait que deux Etats désespérant de ce rapprochement. Le premier est Israël, qui avant cela se voyait menant la guerre contre l’Iran à la tête d’une coalition faite de pays arabes et puissamment soutenue par les Etats-Unis, comme si l’Arabie saoudite et l’Iran l’avaient opéré d’abord contre lui, ensuite seulement dans leur intérêt mutuel.
Le second est le Maroc, qui jusqu’à ce début mars, jusqu’à la signature à Pékin de ce qui à tout le moins est un accord de bon voisinage, sinon plus, a cru que la région allait droit à une guerre contre l’Iran mais sous commandement israélien. C’est parce qu’il était certain que cette guerre arabo-israélienne était inévitable qu’il s’est empressé, d’une part, de renouer avec Israël et, d’autre part, de rompre ses relations avec l’Iran. En fait, il a rompu avec l’Iran, sous prétexte qu’il soutenait militairement le Polisario, avant de renouer avec Israël. En effet, sa priorité est de marquer son hostilité à l’Iran, pour complaire à la fois à l’Arabie saoudite, aux monarchies du Golfe, aux Etats-Unis et à tous ceux qui dans le monde vouent aux gémonies l’Iran. Israël avait besoin d’une guerre avec l’Iran, à la fois pour démolir ce dernier, le ramener à l’âge de pierre comme il dit toujours parlant de ses ennemis, et pour devenir le leader et le protecteur des monarchies du Golfe, ce qui du même coup enterrerait la cause palestinienne. Jusqu’à la cérémonie sinistre de Pékin, Benyamin Netanyahou parlait encore d’une ligne de chemin de fer allant de La Mecque à Haïfa. Ainsi du Maroc, qui
s’était convaincu qu’un bloc militaire israélo-arabe était en train de se former, dans lequel il se préparait à entrer.