Le nombre des contaminations tous pays africains confondus est inférieur d’un million à celui d’un pays européen pris isolément, la France, celle-ci comptant, il est plus vrai, parmi les plus atteints par l’épidémie sur le continent européen. Un seul pays africain, l’Afrique du Sud, pèse quasiment pour moitié dans le bilan global africain, pour le chiffre des décès aussi bien que pour celui des infections. Si au lieu de cela, ce pays, parmi les plus peuplés du continent, présentait sous ce double aspect une situation moyenne, il eût été possible, sous réserve d’un recul de la pandémie, ce qui dans l’ensemble est justement le cas, de postuler à une immunité collective en action depuis le début sur le continent. C’est qu’en Afrique la pandémie n’a jamais explosé. Elle ne s’y est à aucun moment développée de façon exponentielle, échappant à tout contrôle, ravageant par là même les sociétés, comme on la voit pour l’heure occupée à faire ailleurs dans le monde, en particulier en Inde et au Brésil. Nulle part en Afrique il n’y a eu ce spectacle sinistre d’enterrements collectifs opérés par des hommes en combinaison de protection, les rares membres des familles tenus fermement à la lisière de rangées de tombes creusées à la hâte. Or c’est surtout en Afrique qu’on s’était attendu à voir des tableaux de ce genre.
La pandémie commençait à peine que l’OMS, animée par les meilleures intentions du monde, sonnait déjà ce tocsin-là, tout en appelant à la prise de conscience internationale pour que le continent le plus pauvre, le moins pourvu donc pour faire face à l’épidémie, ne soit pas décimé par elle. Rien de tel ne s’est produit, ni ne se produira selon toute apparence. Un désastre humain se donnant pour inévitable n’a finalement pas eu lieu. Une seule explication possible à cela : c’est parce qu’en réalité il ne pouvait pas se produire. C’est que donc une forme d’immunité collective s’est inscrite en faux contre la maladie depuis le début. Une immunité qui dans ce cas a nécessairement préexisté à sa propagation. Cette immunité collective ne s’est pas formée dans le cours de l’épidémie, elle existait déjà quand celle-ci a éclaté, c’est là le point le plus important. Si telle est la réalité, si l’immunité a effectivement préexisté, alors de deux choses l’une : ou bien le nouveau coronavirus n’est pas aussi nouveau qu’on l’a supposé, ou bien les Africains en ont déjà croisé sous des formes similaires par le passé. Dans ce deuxième cas, l’immunité en question serait une immunité croisée. Des épidémies de coronavirus ont pu déferler sur l’Afrique à travers son histoire, desquelles il est resté des traces dans le système immunitaire de ses habitants. Ce sont ces traces qui à la fois ont ralenti la propagation du virus et amoindri ses effets. Voilà ce qu’il aurait été possible d’affirmer peut-être avec assurance si le bilan de l’Afrique du Sud ne détonnait pas dans le tableau d’ensemble. Or ce pays présente une autre particularité. Il était déjà aux prises avec une épidémie quand celle de Covid-19 est survenue. Elle s’appelle l’obésité. Ce pays compte plus de 30 % d’hommes et près de 70 % de femmes obèses, à quoi il faut ajouter 13 % d’enfants souffrant du même mal. Certes l’obésité a fait son apparition dans le continent. Toutefois nulle part au même degré qu’en Afrique du Sud… et qu’en Egypte. Est-ce un hasard si l’Egypte est le deuxième pays africain le plus atteint par la pandémie ? Néanmoins, les bilans des deux pays bien que se suivant dans le classement général ne sont pas du même ordre. Celui de l’Egypte se situe dans la moyenne non seulement continentale mais régionale. Le fait est qu’il n’est pas particulièrement lourd par rapport à ceux du Maroc et de la Tunisie.