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vendredi 19 avril 2024

17 décembre fête de la révolution

En ce moment les Tunisiens ont les yeux tournés vers le 17 décembre, désormais date officielle de célébration de ce qu’ils appellent encore la révolution, en dépit de ce qui s’est produit depuis le 25 juillet dernier, cela en lieu et place du 14 janvier, le jour consacré jusqu’ici pour cette fête. Le 17 décembre 2010, on s’en souvient, est le jour où Mohamed Bouazizi s’est immolé par le feu à Sidi Bouzid, l’étincelle à l’origine d’un vaste mouvement de protestation aboutissant à la chute de Ben Ali le 14 janvier de l’année suivante. Pour le président Saïed, engagé dans ce qui de son point de vue est une entreprise de sauvetage de la révolution, tournant pris à ses risques et périls le 25 juillet, il s’agit dans ce changement de date à la fois de rétablir la vérité du changement survenu en 2011 et de rendre au peuple la part prépondérante qui lui revient dans ce processus, à ses yeux d’ailleurs toujours en cours. De fait, on nomme une révolution d’après son premier jour, lorsqu’elle n’est encore assurée de rien, non d’après celui qui voit son triomphe. A plus forte raison si elle n’est pas terminée, si elle est toujours à l’œuvre.

Ce sont les révolutions de palais, les pseudo-révolutions par conséquent, qui sont en général désignées d’après le jour où elles s’achèvent. Saïed pense que ce n’est pas juste un détail que cette question de nom et de date, qu’elle est en réalité de première importance. Pour lui, si le 17 décembre est le jour où la révolution a éclaté, le 14 janvier serait plutôt celui où elle a été volée par une classe politique qui a su comment se la partager. Chose curieuse, entre le jour où il a annoncé cette réforme du calendrier révolutionnaire, et celui où un militant d’Ennahdha s’est suicidé à l’imitation de Bouazizi dans le siège même du parti, il ne s’est pas passé une semaine. Le malheureux militant d’Ennahdha a désigné ce faisant la cause de sa désespérance : son parti, à qui il a sacrifié ses meilleures années, mais dont il n’a rien reçu en retour. L’incendie qui s’en est suivi ayant pu être maîtrisé, le siège a été sauvé, mais pas nécessairement le parti, qui pourrait lui ne pas s’en relever. Il en est qui pensent que sa dissolution, en même temps que celle d’autres formations proches, sera au nombre des décisions qui seront annoncées par le président Saïed le 17 décembre. Une chose d’improbable en soi, mais qu’on l’ait seulement évoquée n’est pas pour donner tort à Saïed quand il dénonce la confiscation de la révolution par des coteries politiques. Si la classe politique n’avait pas seulement profité de la révolution mais l’avait faite au même titre que les masses populaires qui s’étaient mises en mouvement au lendemain du suicide par le feu de Bouazizi, elle pourrait aujourd’hui mobiliser ses alliés pour faire échec au projet «contre-révolutionnaire» auquel se consacre d’après elle Saïed depuis le 25 juillet. Le fait est qu’elle leur en a effectivement fait appel, mais en vain. Depuis le 25 juillet, s’il y a quelqu’un qui a été en phase avec elles, c’est le chef de l’Etat. Pour cette raison essentielle, les annonces du 17 décembre ne pourront qu’entériner son fiasco, même si elles ne comporteront pas nécessairement de mesures de dissolution à son encontre. Le plus probable est que le président Saïed se contentera de détailler son plan de sortie de l’état d’exception en vigueur depuis le 25 juillet. La mesure la plus importante concernera sûrement les modalités d’élaboration et d’adoption d’une nouvelle Constitution, celle de 2014 n’ayant plus pour lui ni cours ni légitimité.

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